Les 5 prérequis pour limiter les dégâts socio-économiques de cette crise inédite

A côté du drame humanitaire et sanitaire, la crise du Covid-19 a un impact inédit sur l’économie globale et donc européenne et luxembourgeoise. Au Grand-Duché, qui figure dans le top 5 des économies les plus ouvertes au monde, le confinement généralisé et l’arrêt brutal des activités économiques menacent les fondements d’un écosystème économique et financier sain, stable, porteur et dynamique.

Ces fondements, quoique vulnérables par essence vu la dépendance de leurs évolutions au contexte international, sont en même temps le socle du bien-être de notre population, avec comme vecteurs la cohésion sociale, un modèle de redistribution somme toute efficace et un système de protection sociale généreux, ce dernier montrant clairement ses bienfaits dans la situation actuelle.

Nos fondements socio-économiques sont donc bouleversés à plus d’un titre. Dans les lignes qui suivent, je me focalise sur 5 conditions requises pour limiter la casse et contenir les dégâts socio-économiques de cette crise inédite.

1.La préservation de la substance économique et des emplois

Dans cette situation inédite, il faut prioritairement éviter des faillites en cascade. Il s’agit de conserver les bases de notre écosystème fondamentalement sain, sinon une reprise rapide et une croissance qualitative et durable après la crise sanitaire ne seront guère envisageables.

A très court terme, de nombreuses entreprises de toutes tailles font face à des difficultés importantes de liquidité , notamment dans la situation d’interdiction d’un certain nombre d’activités suite à l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal modifié du 18 mars 2020 « portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 », de problématiques d’approvisionnement et d’interruptions de chaînes de valeur, d’indisponibilité d’un grand nombre de salariés, de perturbation des livraisons, d’annulation de commandes, etc.

Il en résulte un risque de cessations d’activités à court et moyen termes pour des entreprises de toutes tailles, exerçant dans presque tous les secteurs et, pour la très grande majorité, en bonne santé économique avant la crise.

Le paquet de mesures présenté en date du 25 mars 2020 constitue une première réponse adaptée aux défis les plus aigus qu’éprouvent les entreprises dans cette crise profonde, à savoir les problèmes de trésorerie et de liquidités. Moyennant des mesures de soutien fortes, composées d’aides directes, de subsides, d’avances, de garanties et d’aides indirectes comme le report de dettes fiscales et sociales (voire leur effacement partiel, pour ces dernières,en faveurdes secteurs et entreprises les plus touchés) il s’agit d’éviter à tout prix une destruction massive du tissu productif luxembourgeois, avec le cas échéant des conséquences dramatiques et durables pour l’activité économique et, partant, la cohésion sociale de notre pays.

Si l’ambition de ce premier paquet est à saluer, il faut effectuer un monitoring étroit et permanent de l’évolution de la situation. En cas de prolongation de la période de confinement, le Gouvernement devra procéder aux ajustements ponctuels et structurels qui s’imposent pour éviter la destruction de substance économique et d’emplois.

Le coût économique, sociétal, social et financier d’un tel scénario dépasserait significativement le coût budgétaire de mesures de soutien ambitieuses, cohérentes, complémentaires et bien articulées, soutenant les liquidités à très court terme, mais aussi la rentabilité défaillante et la solvabilité menacée en cas de restrictions continues s’inscrivant dans la durée. Il en va du coût social de cette crise, qui sans actions fortes et concertées, pourrait être substantiel en raison de faillites, le cas échéant en cascade, de licenciements, et donc à terme d’un tissu économique profondément altéré.

Si les aides directes de 5.000 EUR à certaines très petites entreprises et indépendants sont une véritable bouffée d’oxygène pour leur trésorerie et leurs liquidités, il faudra probablement rapidement accroître davantage ce soutien à travers une prolongation de l’aide, une extension du champ des bénéficiaires, un élargissement des formes sous lesquelles elles sont attribuées et des montants. Finalement, il convient de garantir un accès facile aux aides et un traitement rapide et non bureaucratique des demandes, idéalement sous forme digitale.

Il faut se féliciter par ailleurs du régime de garantie d’une envergure inédite pour les prêts octroyés entre le 18 mars et le 31 décembre 2020, dans la limite de 2,5 milliards d’euros pour les nouveaux prêts octroyés par des établissements de crédits, qui devrait permettre d’en faciliter l’octroi aux entreprises impactées par la crise.

Pour une entreprise préalablement moins solide financièrement, l’actuelle crise représente sans doute le « coup de grâce » la menant directement dans le précipice. Il est à regretter que ces entreprises soient exclues du bénéfice de plusieurs mesures prévues par le Gouvernement. Il faut prendre en considération la réalité de ces entrepreneurs qui ne survivront pas à une nouvelle crise si on leur refuse les aides publiques. Je pense notamment aux entreprises du centre-ville déjà touchées de plein fouet par les travaux liés au tram. De nombreuses entreprises en difficulté sont tout à fait capables de redresser la barre et de devenir profitables. Ceci est par ailleurs largement démontré dans le cadre du projet SME Support (anciennement Viability Center) que la Chambre de Commerce a développé en 2018 et qui a depuis sauvé plus d’une cinquantaine d’entreprises pourtant considérées comme étant en difficulté et exclues de tout type d’aide.

2. Le maintien de la stabilité du système bancaire

La protection du système financier international, dont l’effondrement était à l’origine de la crise mondiale en 2008, est fondamental. Rappelons qu’il a fallu presque 10 ans pour que les grandes économies se rétablissent après le choc engendré par cette crise systémique mondiale.

Dans le contexte de la crise actuelle, les banques ne sont pas à l’origine du problème, mais porteuses de solutions pour soutenir l’économie réelle et les entreprises en manque de liquidités. Vu le risque d’insolvabilité d’un grand nombre d’entreprises, il faut éviter que les faiblesses bilantaires des entreprises ne soient transférées dans les bilans des banques, qui ont déjà dû faire face à de considérables « compliance costs » associés à une régulation et à un contrôle prudentiel nettement renforcés suite à l’éclatement de la crise économique et financière en 2007-2008.

A l’heure actuelle, les établissements de crédit sont les mieux placés (d’un point de vue opérationnel) pour irriguer l’économie rapidement et efficacement en liquidités et éviter ainsi la cascade de défauts qui se profile. Ils seront en cela soutenus par la garantie de l’Etat précitée. Pour limiter la casse, il faut donc le soutien plein et entier des banques.

L’économie luxembourgeoise est confrontée à une menace inédite, dont il est impossible de savoir quand elle sera sous contrôle et quand l’activité pourra effectivement redémarrer, et surtout avec quelle magnitude et dans quel ordre.

3. Dépenses publiques : un délicat équilibre entre proactivité et prudence à moyen terme

Les mesures d’aide publique visant à financer la protection de la santé des citoyens, la survie des entreprises et le maintien du pouvoir d’achat des consommateurs exigent un niveau très conséquent de dépenses publiques, alors que le rythme des recettes publiques est freiné drastiquement. Le déficit public en résultant sera plus ou moins important ; le montant exact dépendra de la durée du confinement et de l’arrêt de l’appareil de production et de prestation de services.

Un calcul rapide, qui sous-estime encore probablement l’ampleur du problème, montre déjà à ce stade que l’impact de la présente crise sur nos finances publiques sera substantiel[1]. Même si le confinement était levé dès la fin avril et en ignorant tout problème transitoire de redémarrage dans les semaines qui suivront cette suspension de l’activité, en supposant également qu’un tiers du décrochage du PIB trimestriel enregistré à cause du confinement soit définitivement perdu (en raison de faillites, d’une réduction durable de la consommation privée ou des investissements, d’une hausse du nombre de personnes enlisées dans le chômage, etc.), le PIB se réduirait de 5% environ en 2020 par rapport à 2019, alors qu’une croissance de près de 3% était encore anticipée voilà  un mois environ.

Toutes autres choses égales par ailleurs, il en résulterait une détérioration du solde des Administrations publiques de l’ordre de 4% du PIB en 2020 et à cela s’ajoute le coût des mesures adoptées, donc un peu plus de 1,5% du PIB pour le chômage partiel, le congé familial et l’aide de 5.000 EUR aux micro-entreprises et à certains indépendants. Les Administrations publiques enregistreraient dans ces conditions une diminution totale du solde de 5,5% du PIB, ce qui conduirait à un déficit simulé de près de 4% du PIB en 2020 (alors qu’un surplus de 1,7% était encore attendu le mois dernier). Sans compter l’incidence des indispensables volets à venir si la crise perdurait, appelés à compléter la première salve de mesures gouvernementales (mesures d’urgence complémentaires, accompagnement de la reprise et un effort de relance des investissements publics, notamment).

Si le confinement perdurait encore en mai 2020, notre simulation montre un impact encore plus prononcé: l’évolution du PIB sur l’année 2020 serait de -10% et le déficit de l’Administration publique serait de l’ordre de 7% du PIB.

Cependant, un sensible effet de rebond serait observé en 2021, avec un retour (mécanique) à une croissance nettement positive autour de 6%. Le solde de l’Administration publique s’améliorerait également pour afficher, sous ces hypothèses, un déficit (toujours important) de l’ordre de 3% du PIB.

Heureusement, le Luxembourg, un des seuls pays au monde à bénéficier d’une notation AAA, a une certaine marge de manœuvre pour augmenter les dépenses publiques exceptionnelles, pour faire jouer les stabilisateurs macro-économiques et pour soutenir la relance à travers une politique budgétaire anticyclique. Cependant, en tant que pays à taille réduite, sans marché domestique d’importance, sans capacité d’endettement intérieur, et donc dépendant de manière disproportionnée des échanges internationaux de biens et de services, le Luxembourg a une capacité d’endettement beaucoup plus réduite que des pays de taille plus grande.

Mais là aussi, l’endettement du Luxembourg se situe actuellement autour des 20% du PIB, donc loin des 30% de la limite d’endettement que le Gouvernement s’est fixée lui-même dans l’accord de coalition de fin 2018. En montants absolus, la dette publique actuelle s’élève à 12,6 milliards et la limite de 30% correspond à 18,4 milliards, de sorte qu’une marge de manœuvre de l’ordre de 6 milliards semble confortable à première vue, en considération du coût des aides directes (indemnité d’urgence certifiée (50 millions), mesures d’aides remboursables (300 millions), chômage partiel (1 milliard pour deux mois), congé pour raison familiale (400 millions pour deux mois)), donc environ 1,75 milliard.

Il faut donc s’assurer d’un équilibre intelligent entre d’une part la mise en œuvre de mesures d’urgences visant à éviter la destruction définitive de substance socio-économique, et d’autre part la capacité de financement à long terme de ces mesures. Si une grande flexibilité s’impose à court terme – elle est d’ailleurs facilitée par les autorités européennes, qui ont admis une suspension temporaire, en 2020, des règles du Pacte de Stabilité et de Croissance – une dérive durable des finances publiques doit être évitée. Elle serait en effet synonyme de hausses d’impôt futures, qui porteraient préjudice à l’attractivité économique du pays.

Un exercice d’équilibriste, assurément, visant à réconcilier une indispensable réactivité à court terme et l’avenir à long terme de notre économie !

4. La relance doit être coordonnée et progressive

Nous devons être d’autant plus proactifs que la reprise ne va pas s’effectuer sans difficultés du jour au lendemain, la situation étant d’ailleurs susceptible de varier d’un secteur à l’autre en fonction, notamment, des mesures de protection à prévoir en faveur des travailleurs – par exemple la désinfection, les distances à respecter et les équipements de protection, les heures d’ouverture, etc. Il convient aussi de veiller à rétablir une grande confiance par rapport aux transports en commun et à veiller à la sécurité des consommateurs.

La reprise de l’activité doit être progressive et organisée par les autorités en concertation étroite avec les acteurs économiques, au niveau de chaque secteur – voire même dans certains cas de chaque entreprise.

L’appareil de production, qui est réduit à ses fonctions les plus vitales, ne peut redémarrer d’un niveau proche de 0 vers la capacité d’avant crise. Une concertation étroite avec les autorités sanitaires reste primordiale également lors de la phase de relance : il faut en effet éviter tout scénario de rechute, qui serait difficilement vivable par la société après la période de confinement plus ou moins longue.

Tout dépendra de la durée du confinement : en cas de reprise rapide, les carnets de commande des entreprises devraient se remplir vite et des niveaux d’activité d’avant-crise pourraient être atteints par la majorité des secteurs.

A défaut, la relance devrait être soutenue par des investissements publics ambitieux pour relever le potentiel de croissance économique à moyen terme, à condition que ces investissements soient ciblés selon une liste de projets prioritaires renforçant les structures de notre pays dans une optique de croissance qualitative et durable (mobilité, santé, zones d’activité économique,…). Des études effectuées par le STATEC en particulier ont montré que le multiplicateur macroéconomique (c’est-à-dire l’effet d’entraînement économique) des investissements publics est nettement plus élevé que celui des dépenses courantes. Il importe bien entendu avant tout que le choix de ces investissements soit de nature à rehausser le potentiel de croissance économique à moyen terme du Luxembourg.

Dans l’après-crise, les investissements dans le capital humain seront également prioritaires : soutien des frais de formation continue pour reskilling/upskilling, flexibilisation du droit du travail pour inciter le maintien ou le retour dans l’emploi alors que la confiance est encore mitigée, « Premier emploi créé dans une très petite entreprise exonéré pendant 3 ans en termes de cotisations », autant de solutions afin de rendrele marché du travail plus résilient.

Le cadre législatif et réglementaire aura son rôle à jouer, en permettant le déploiement de nouvelles activités par exemple, mais aussi en visant une simplification accrue des procédures ou encore en implémentant des mesures fiscales de soutien à l’attractivité et à la compétitivité du Luxembourg.

5. L’Europe doit sortir renforcée de cette crise

Un défi important pour la période après crise consistera à s’attaquer avec fermeté et ambition au projet européen, les uns diront « à son sauvetage », les autres « à son achèvement ». En effet, durant cette crise sanitaire, de nombreux exemples de dysfonctionnements du marché intérieur (fermeture non coordonnée de frontières, interruptions de chaînes d’approvisionnement vitales, …) et de la solidarité européenne (appels au secours des autorités sanitaires italiennes,…) ont défrayé la chronique. Dans ce contexte un peu chahuté, Jacques Delors est sorti de sa réserve, en affirmant récemment «Le climat qui semble régner entre les chefs d’État et de gouvernement et le manque de solidarité européenne font courir un danger mortel à l’Union européenne ».

De l’autre côté, de beaux exemples de solidarité entre Etats membres (notamment au niveau d’une collaboration lors de la crise sanitaire) ont suscité de l’espoir. Une solution européenne unanime au problème du financement du choc économique face au covid-19 serait un tel exemple positif. Si les « corona bonds » ne font pas l’unanimité à l’heure actuelle, il est indispensable de s’accorder rapidement sur un mécanisme qui repose sur la solidarité européenne.

Plusieurs Etats membres ont proposé de créer des obligations mutualisées de la zone euro, afin de disposer de fonds importants pour tenir le choc économique face à l’épidémie de coronavirus qui frappe durement le continent. Leur but est de favoriser la reprise de la croissance, lourdement pénalisée par le confinement, avec de l’argent garanti par un fonds européen commun. Les « corona bonds » sont les équivalents des « euro bonds » qui avaient été évoqués en 2011 lors de la crise de la dette grecque et qui n’avaient jamais vu le jour. Pour l’instant, chaque pays émet sa dette publique de son côté. Une dette de moins bonne qualité exige une rémunération supérieure.

Mais tout dépend de la capacité du pays à rembourser sa dette publique. Et cette capacité est plus forte, par exemple, en Allemagne, qui emprunte à taux négatif, qu’en Italie où les marchés exigent un rendement bien plus élevé à cause d’une dette publique qui dépassait, avant même l’actuelle crise, les 136% du PIB.

L’idée derrière les « corona bonds » est la suivante : le Mécanisme européen de stabilité émettrait des « corona-bonds » et le produit serait alloué à tous les pays membres qui en ont besoin. Ces obligations pourraient avoir des maturités très longues, de plusieurs décennies, afin d’étaler autant que possible les contributions annuelles des Etats membres. Elles pourraient financer à la fois les efforts de lutte contre l’épidémie et ceux visant à limiter son impact économique.

L’Allemagne et les Pays-Bas notamment, ont refusé cette proposition. Ces pays avaient déjà manifesté leur opposition aux « euro bonds » en 2011, en évoquant la  « dichotomie » entre  « les bons élèves »  du nord de l’Europe qui tiennent leur budget et  « les mauvais élèves » , jugés trop dépensiers. Bénéficiant d’une situation budgétaire favorable avant la crise, l’Allemagne a toujours refusé le principe d’une mutualisation des dettes en Europe.

Un changement de position ou une solution de compromis sont-ils envisageables? Un possible compromis consisterait à ne prévoir l’émission de corona-bonds que durant une durée bien circonscrite, englobant le cœur de la crise et la période de reconstruction économique et sanitaire dans les Etats membres où le virus aura le plus sévi. Le tout s’accompagnant par ailleurs de plans de réduction du ratio de dette publique dans les pays les plus endettés – sur un horizon suffisamment long comportant une « période de grâce », car il serait malencontreux d’imposer un assainissement budgétaire trop drastique avant la « remise en orbite » des économies concernées.

Un tel compromis s’impose, car un échec de la coopération dans cette crise affaiblirait durablement la capacité de l’Europe à construire un véritable projet européen, qui soit à même de profiter à ses citoyens. Il faut s’assurer, avec l’aide des Luxembourgeois motivés et pro-européens, que la balance penche en faveur d’une construction européenne plus aboutie.

En tenant compte de ces cinq vecteurs d’attention et d’actions, couplés à du courage, à la solidarité et aux sacrifices individuels et collectifs, il sera possible de surpasser cette crise inédite, au Luxembourg et en Europe, les destins des deux étant indissociables.


[1]Les chiffres avancés se basent sur des simulations de la Chambre de Commerce, selon différents scénarii .

2 thoughts on “Les 5 prérequis pour limiter les dégâts socio-économiques de cette crise inédite

  1. Pingback: The five prerequisites for limiting the socioeconomic damage from this unprecedented crisis | Carlo Thelen Blog

  2. nous avons une opportunité unique de solidifier et souder l’Union Européenne
    après le choc du Brexit. il est urgent de créer un fonds de résilience européen faisant appel à l’épargne des ménages dont le niveau est élevé dans tous les états membres. Cela nous préservera d’une augmentation inopportune des prélèvements obligatoires.
    plus d’agilité, plus de réactivité, moins de rigorisme moins de légalisme dans cette nouvelle Europe que nous appelons de nos voeux

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