La promotion du commerce extérieur et l’internationalisation des entreprises luxembourgeoises dans un monde en mouvance – quelques réflexions de contexte

L’économie luxembourgeoise se caractérise par un degré d’ouverture à l’international (part des exportations et importations dans le PIB) extrêmement élevé et se positionne au vu de cet indicateur en haut du classement au niveau mondial (au même titre que Singapore, Hong Kong, etc.). Cela s’explique par le poids considérable dans le commerce extérieur des exportations de services, dont à peu près 50% sont constituées par des services financiers. Il n’en reste pas moins que le commerce extérieur de biens joue également un rôle déterminant dans la création de valeur économique et de plus en plus d’entreprises luxembourgeoises s’engagent dans la voie de la vente de leurs produits à des clients résidents à l’étranger. Choix logique, alors que les possibilités d’augmentation du chiffre d’affaires sont limitées sur notre territoire national restreint. Le business plan de nombreuses entreprises implantées au Luxembourg cible exclusivement les marchés internationaux, et le Grand-Duché offre de nombreux atouts en tant que plateforme internationale pour développer des activités import-export avec des partenaires localisés aux quatre coins du monde.

Le « Made in Luxembourg » continue à attirer beaucoup d’attention dans le monde, les biens et services luxembourgeois jouissent d’une bonne réputation en termes de qualité et de fiabilité.

Accompagner et soutenir les entreprises luxembourgeoises à s’internationaliser et promouvoir l’économie du Grand-Duché à l’étranger constituent des missions phare de la Chambre de Commerce, alors que 80% de la production nationale de biens et de services du pays est exportée. L’équipe des Affaires Internationales de la Chambre de Commerce est en contact permanent avec 1.400 entreprises luxembourgeoises qui sont actives dans plus de 150 pays. Elle les soutient dans leurs démarches et activités d’internationalisation. Les visites d’Etats, les missions officielles et économiques, les foires spécialisées, les accueils de délégations étrangères, les séminaires d’informations sur les marchés, les activités de matchmaking au niveau régional et international permettent aux entreprises de tous les secteurs et de toute taille d’accéder à de nouveaux partenaires dans la Grande Région, en Europe et sur d’autres continents.

Une analyse plus fine des évolutions récentes et du contexte géopolitique en matière de commerce extérieur et des relations économiques internationales permet de dresser les constats suivants :

  • Il est indispensable que nos politiques socio-économiques deviennent à nouveau plus « pro business ». Depuis quelques années, l’Europe en général et le Luxembourg en particulier sont tombés dans le piège d’une surrégulation et d’une règlementation exagérée, alourdissant considérablement les procédures administratives, environnementales et autres. De nombreux observateurs évoquent une extension inefficace du périmètre d’action des Etats et une ingérence inutile des pouvoirs publics dans la gestion du secteur privé, freinant l’initiative privée, l’entrepreneuriat et les capacités des entrepreneurs à augmenter leur rentabilité et leur résilience dans un monde marqué par le nouveau phénomène de « poly-crises ». Seules les entreprises rentables, offrant des biens et services porteurs de manière compétitive, pourront réussir à l’international. Seules des entreprises attractives et compétitives seront à même d’attirer les talents dont notre économie a cruellement besoin, pour réussir les transitions digitale et environnementale.
  • Le Luxembourg dispose d’un réseau de soutien à l’internationalisation, à la promotion commerciale et aux investissements étrangers, certes restreint (env. 30 Ambassades et une dizaine de « Luxembourg Trade and Investment Offices » dans le monde) par rapport à nos grands voisins, mais la collaboration exemplaire entre les équipes des Ministères, de la Chambre de Commerce, de Luxinnovation etc. permet de compenser ce désavantage en termes de taille du réseau. Il faut continuer à travailler à l’optimisation et à la valorisation pertinente de ce réseau à l’image de ce que la Chambre de Commerce a mis en place en partenariat avec le Ministère des Affaires étrangères en créant des postes d’attachés économiques et commerciaux à Berlin, Paris, Bruxelles et Londres.
  • L’économie luxembourgeoise est une économie très ouverte à l’exportation, avec 60% des biens et services exportés. Ainsi, le commerce extérieur est décisif pour le maintien de la prospérité. Malgré la part très importante de la composante internationale dans notre PIB, le nombre absolu d’entreprises pratiquant le commerce extérieur reste limité, ce qui n’est pas un problème en soi. Il faut continuer à accompagner au mieux les entreprises actives sur les marchés internationaux et réussir à convaincre celles qui ne le font pas encore et qui ont un potentiel en ce sens pour oser franchir le pas. Outre les approches traditionnelles de l’internationalisation, la numérisation joue un rôle de plus en plus important en tant que porte d’entrée sur le marché. Ainsi les entreprises intéressées pourront utilement consulter le guide spécialisé sous www.digitalguide.tradeandinvest.lu .
  • Le Gouvernement doit continuer – en étroite concertation avec les acteurs du secteur privé – à implémenter des stratégies de développement sectoriel et à diversifier l’économie luxembourgeoise, en créant un cadre propice pour l’éclosion de nouvelles activités industrielles, commerciales, artisanales, de services, de R&D – a priori à haute valeur ajoutée – pour lesquelles le pays dispose de compétences spécialisées et d’avantages compétitifs. Cette diversification de l’économie a, dans la plupart des cas, une composante internationale de sorte que les échanges de biens et services pourront être davantage stimulés et la palette de produits et services exportés et/ou importés pourra grandir.
  • En marge de la diversification continue des activités et des biens & services produits et prestés à Luxembourg, il faut également poursuivre la diversification des marchés pour limiter les risques géopolitiques dans un monde de plus en plus bipolaire. Une concentration des activités d’internationalisation sur quelques marchés comporte un risque important de goulets d’étranglement en termes de dépendance aux matières premières, de produits intermédiaires, de disponibilités de composants technologiques, de capacités et de chaînes logistiques, d’approvisionnement, etc. Dans un tel esprit, il s’agit de privilégier les pays avec lesquels nous entretenons un accord de libre-échange et d’encourager l’introduction de nouveaux accords de libre-échange entre l’UE et des pays tiers (Mercosur, CETA, TTIB, etc.).
  • La crise de la Covid-19 s’inscrit dans une série de ruptures profondes qui ont affecté l’économie mondiale au cours de la dernière décennie et demie, notamment la crise financière et économique de 2008/2009, la crise de l’euro, le Brexit, ou encore, le conflit commercial avec les États-Unis. Même si ces crises ont eu des déclenchements différents, elles ont toutes un point commun : elles ont pu se développer en raison de l’interdépendance internationale des marchés financiers et de l’économie réelle. Aujourd’hui, la guerre en Ukraine bouleverse les marchés des matières premières, crée des pénuries alimentaires (l’Ukraine est le principal fournisseur de blé de l’Europe) et augmente les coûts de transport vers l’Asie en bloquant les corridors de transport. Cela fait grimper les prix à la consommation, ce qui alimente l’inflation. Face à cette situation complexe, de nombreuses entreprises répondent en cherchant des partenaires commerciaux ou d’affaires ailleurs – et souvent plus près de chez elles – afin d’assurer une plus grande sécurité d’approvisionnement en cas de crise, ce qui signifie en substance s’éloigner de la mondialisation et de l’accent mis sur l’efficacité et la rentabilité. En outre, la pandémie a déplacé la tendance à la production en flux tendu, destinée à la consommation immédiate, vers la constitution de stocks.
  • La sécurisation des chaînes d’approvisionnement et la production dans le pays, voire au sein de l’UE, joueront un rôle plus important à l’avenir. Pour ce faire, une politique industrielle nettement plus active est nécessaire. Au niveau de l’UE, le concept d'”autonomie stratégique”, issu à l’origine du secteur de la défense, a longtemps été considéré avec scepticisme par les États membres. Aujourd’hui, il gagne en popularité. La Commission Européenne le considère comme essentiel pour une nouvelle attitude vis-à-vis des partenaires, y compris de la Chine, et pour une réorientation de la politique industrielle de l’UE. L’objectif est de renforcer l’action multilatérale de l’UE et de promouvoir des conditions de concurrence équitables, de tirer pleinement profit de l’intégration de l’UE, d’obtenir de meilleurs rendements économiques, de réduire la dépendance vis-à-vis des acteurs extérieurs et de rendre l’UE moins vulnérable dans des domaines tels que l’énergie, la désinformation et les technologies numériques pour rendre les entreprises plus résistantes aux crises mondiales et aux menaces extérieures.

Au Grand-Duché , les réflexions sont en cours pour ajuster la politique de prospection et de promotion économique et commerciale à la nouvelle donne internationale, qui s’est donc sensiblement complexifiée face aux multiples crises récentes. La position de la Chambre de Commerce à cet égard est claire : il faut favoriser un commerce international, qui soit ouvert etéquitable, dans le respect de certaines valeurs et règles, qui ne sont pas exclusivement les nôtres. Le commerce international est là pour construire des ponts dans le respect mutuel et pour jeter les bases d’une prospérité partagée équitablement.

Il faut donc mettre en place une politique de promotion économique durable qui soit la plus résiliente possible face aux futures crises , tout en aidant les entreprises à implémenter une stratégie d’exportation et de sourcing soutenable et pragmatique.

Le futur commerce extérieur doit reposer sur les principes de précaution, d’éthique et de transparence et répondre aux nouvelles attentes des clients. Ces derniers se préoccupent de plus en plus de la chaîne d’approvisionnement, de la traçabilité, des droits de l’homme, des prix équitables, de la rémunération des collaborateurs, des caractéristiques des produits et de leur impact environnemental et social. Au final, ces critères doivent être pragmatiques, praticables et révisés régulièrement. Ainsi ils peuvent être intégrés dans les business plans des entreprises, à côté des critères essentiels de rentabilité et de coûts.

L’économie luxembourgeoise doit continuer à étendre et à diversifier les relations sur les marchés internationaux, dans la conviction profonde que le changement vers un modèle durable, responsable et en concordance avec nos valeurs passe par le commerce multilatéral et une mondialisation « revisitée ». On passerait donc du modèle „Wandel durch Handel“ vers un modèle adapté „nachhaltiger Wandel durch verantwortungsbewussten Handel“.

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